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Archive for the ‘Bordeaux’ Category

Dans le tram, tout le monde vous entend parler…

4 août 2011 2 commentaires

17 h 20

La foule est bavarde, la journée de travail tire à sa fin. « Arts et métiers » affirme l’éternelle voix féminine du tramway. La foule se balance en cadence au gré de la conduite du chauffeur ; à l’arrêt, les portes s’ouvrent.
S’engage dans le wagon un personnage. L’homme au teint chocolaté porte un couvre-chef qui repose sur une cascade de tubules capillaires. On s’aperçoit vite que son visage est illuminé bien que légèrement gonflé, et qu’il émane autant l’insouciance que la bière, dont il possède un spécimen en canette à la main. Il s’accroche à la barre de soutien qui s’élève à mi-corps, tout en marmottant pour lui-même. D’aucuns se sont arrêtés de discuter, l’observant à la dérobée, redoutant l’inconnu. Prenant une gorgée de liquide fermenté, il titube, lymphatique, bousculant indifféremment des quidams dans son dos. Après quelques instants de cohabitation, des conversations reprennent :
« Ο επόμενος στάθμος… Συγγνώμη. (La jeune femme s’interrompt.) The next station is Bethanie. We are seven stations from la Victoire. »
Un rire monstrueux (« Heuah ! Heuah ! Heuah ! Heuah ! ») retentit. L’hilarité provient du personnage qui, alors que son monologue incompréhensible se tarit, exulte pour une raison connue de lui seul dans un mouvement de tête descendant et tourbillonnant. Puis il relève un œil ouvert en tendant un doigt dans une direction onirique en un bref marmonnement, qui se conclut par un nouveau rire tonitruant.
Cette expression de bonne humeur annihile toute voix humaine aux alentours immédiats. Beaucoup de passagers se détournent pour dissimuler soit un sourire incompressible, soit une face exaspérée.
Imperceptiblement, en dépit du moyen de transport bondé, un espace circulaire se crée autour du personnage. Aux quatre stations suivantes, les nouveaux entrants, repérant le produit de ce phénomène étrange à cette heure de pointe, s’agglutinent à qui mieux-mieux dans la masse compacte humaine. Mais la proximité se fait intolérable.
« Barrière Saint-Genès » soutient l’invisible femme. Une jeune femme blonde pénètre dans l’antre ambulante ; elle se raidit au contact des regards portés sur elle, accusateurs à l’idée d’un plus fort entassement, et se positionne près des portes qu’elle vient de franchir. Elle sursaute (« Heuah ! Heuah ! Heuah ! Heuah ! Heuah ! ») quand une nouvelle et puissante secousse de rire explose dans son dos. Elle n’est pas au bout de ses émotions : une main délicate lui caresse sa chevelure solaire ; elle bondit d’un mètre sur le côté, car le geste s’est vu accompagné de sons inarticulés et minaudeurs. Personne n’est dupe du cirque innocent qui se joue encore deux fois, avant que la jeune femme ne se plaque contre un homme arborant un large sourire. Elle, au demeurant, ne goûte guère la plaisanterie faite à ses dépens, tandis que le persécuteur reprend une lampée de son breuvage et poursuit un enjoué babillage.
Aux frontières du cercle de précaution les sourires se sont faits moins discrets, et le brouhaha regagne du terrain. Un nouveau rire solitaire se répercute dans l’espace exigu, et toujours accroché à l’homme, la jeune femme un brin nerveuse ne peut s’empêcher d’y associer un sourd écho.
« Bergonié » garantit la voix dans le haut-parleur ; puis les portes de s’ouvrir.
Une demi-douzaine de collégiens s’engouffrent dans l’arène et découvrent instantanément le personnage. Son catalogage est parallèlement effectué.
« Ouah ! Il pue !
– Vas-y bouge, fait l’un. J’veux pas être à côté d’lui !…
– On comprend rien à c’qu’il dit », glousse une autre.
Face au rempart des grandes personnes, les enfants se placent autour de l’axe qu’est la barre centrale de soutien. De petits rires fusent ; le personnage s’est visiblement rendu compte qu’il est au cœur de l’attention des enfants. Une petite brune aux longs cheveux soyeux perd son sang-froid, en lâchant une exclamation aiguë, lorsqu’il les effleure.
« Heuah ! Heuah ! Heuaaah !
– Il est fou lui !
– Heureusement que j’descends à la Victoire ! déclare un gamin.
Ceci ne les empêche pas de s’esclaffer tout en s’éloignant au mieux de l’imprévisible homme.
« Saint-Nicolas » certifie la voix automatique.
Les enfants s’excitent face au personnage qui tangue, bière à la main, et n’arrêtent pas de parler ouvertement du sujet en question. Les adultes ont tous au moins un sourire en coin ; l’ancienne persécutée s’est retournée pour considérer le spectacle vivant, et un sourire ne quitte plus ses lèvres. Bien qu’amusés, d’aucuns néanmoins attendent avec une impatience croissante de sortir, d’autant que le tramway traverse la place de la Victoire dans une douce courbe.
« Victoire » assure d’ailleurs la sempiternelle voix. Quelques interminables et délicieuses secondes plus tard, une grande cohorte se précipite au-dehors.

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Guacamole

Aujourd’hui, mon thym est mort. Ou peut-être hier, je ne sais pas. Depuis plusieurs jours il avait mauvaise mine, ses feuilles se racornissaient, il attirait des moucherons – ces vautours. J’ai tenté au maximum de le maintenir en vie : élagages méthodiques, dons du sang, rien n’y a fait ; c’était peut-être son destin, lui qui était de l’espèce Faustini.

Je voulais seulement une plante, quelque chose qui aurait senti bon le Sud et dont j’aurais glissé une couple de longues tiges dans une bouteille d’huile d’olive ; joindre l’utile à l’agréable, comme on dit. Je l’ai retiré de son pot et mis dans un sac poubelle, charnier du quotidien. J’ai racheté un plant de thym d’une autre espèce et deux cactus, dont l’un a remplacé le Faustini dans son contenant.

Mon voisin du dessus m’a observé au moment où je procédai à l’échange pot à pot, sur la terrasse ; nous nous sommes rendus une petite salutation de la tête. Faut-il y voir une sorte de cause à effet, je l’ignore, mais quoi qu’il en soit, dans l’heure qui suivit deux policiers ont sonné à ma porte et m’ont demandé s’ils pouvaient entrer. Je leur ai dit que oui, que je n’ai rien à cacher, soyez les bienvenus. Je ne ressens aucune antipathie particulière à l’encontre de la gent policière, mais ces deux-là, ils  m’ont rebuté dès leur entrée dans l’appartement. L’un d’entre eux s’est mis à renifler ostensiblement en s’avançant dans mon petit salon, tandis que l’autre m’expliquait qu’on leur avait fait part de plantations douteuses ici. Sûr, que je leur ai dit, mes cactus n’ont pas une forme banale, mais ce ne sont que des cactus.

Le policier renifleur s’est soudain fendu d’une exclamation en apercevant les pots au bord de la fenêtre, puis s’est approché tout près en m’interrogeant, qu’est-ce que c’est que ça, une nouvelle espèce de marijeanne, du pavot ogéhème ? Je n’y connais pas grand-chose aux plantes, mais lui en tient une couche que je me suis dit. Ce sont mes cactus et mon thym, je lui ai répondu, et j’ai fait les présentations, voilà Arès et là c’est Mickey, et là Thymthym. Mon intention n’était que de détendre l’atmosphère, cela n’a pas paru plaire aux policiers, qui m’ont signifié avec un zèle de serviteur de l’ordre public que la Loi m’ordonnait de déclarer l’existence de ces plants à l’Hadopi car ils avaient un nom déjà déposé, et que j’allais payer une amende. Je leur ai répondu qu’il n’en était pas question, que c’était n’importe quoi, qu’un Italien qui s’appelle Mario ne paye pas de redevance à Nintendo que je sache. Là-dessus ils m’ont embarqué pour outrage et résistance passive à agents assermentés, et j’attends mon avocat en cellule.

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Thé zo ganet droch ?

Galerie commerciale du centre Meriadeck. Je fais quelques courses comme tout bon consommateur lambda qui se respecte.

Cela fait un moment que « La Cure Gourmande », boutique vendant des biscuits aux parfums divers, à la devanture prometteuse et colorée, m’intrigue ; je décide de m’y engager. La jeune employée – disons dans le prime éclat de la trentaine –, très affable, explique la procédure à l’innocent qui l’aborde afin de se servir en petits gâteaux. En bonne vendeuse rodée au lasso des affaires qui fonctionnent, elle n’oublie pas de m’indiquer le lien pécuniaire entre les boîtes à gâteaux et leur futur contenu ; tout à mon avantage, cela va de soi. Je lui confesse que j’ai une arrière-pensée vis-à-vis des boîtes, que l’une d’entre elles me servira à conserver du thé. Elle pense n’avoir rien laissé paraître à ma remarque, mais je lis un trouble chez elle avant qu’elle ne m’abandonne aux monticules désespérants.

Le choix fut cornélien : je déglutis beaucoup.

Ma décimation effectuée, je me rends à la caisse. Elle pèse mon forfait – la vente se fait au poids, bande de canailles –, inclut la boîte dans la facture, ajoutant mi-figue mi-raisin : « Une boîte pour y mettre du thé, donc. » Je lui confirme l’utilisation que je compte en faire d’une simple interjection positive, ne sachant quoi ajouter.

*

Le fourbi règne en maître, dans les couloirs de l’UFR de géographie : la restructuration en cours chamboule l’ensemble de l’organigramme et par conséquent, les affectations des uns et des autres. Un nettoyage tel que l’université n’en a pas connu depuis au minimum une vingtaine d’années. On déterre de vitrines crasseuses des logiciels de cartographie pour Macintosh datant du début des années quatre-vingt-dix, flambant neufs car sous cellophane ! Vous avez dit gaspillage ?

La Cartothèque en profite pour récupérer des meubles à plans situés dans des bureaux vides de leurs anciens locataires mais pas des incommensurables affaires desdits locataires – courageux, pas téméraires. Une carte de Belleyme originale – fin XVIIIe – fut ainsi sauvée de la décharge… Bref, des meubles horriblement lourds, que les déménageurs, entre autres multitudes d’objets, déposèrent dans la réserve. La besogne faite, mon collègue et moi-même dîmes aux deux hommes de venir boire un café, en n’oubliant pas d’inviter leurs homologues.

Ils débarquent à cinq. On devine allègrement qui est le chef ; il a une figure nerveuse, tout en traits découpés, des yeux acérés, une coupe rasée : on perçoit que mine de rien, et malgré leur comportement, les autres gravitent autour de lui. Il s’attable. Un ou deux décline poliment la tasse de café que leur tend mon collègue.

« On a du thé, si vous voulez » lancé-je alors ; et tous de s’esclaffer plus ou moins bruyamment. Le jefe, légèrement vautré, me regarde d’un air gentiment moqueur, tandis que je n’ai toujours pas saisi le point hilarant de ma remarque. « Dans ce cas, avec du super cake, si vous en avez » fait-il, goguenard.

D’accord. Les sourires accrochés aux visages des déménageurs, la « conversation » dérive sur le thème de la marie-jeanne au travail. Deux minutes, et les voilà pliant bagages, en nous remerciant du réconfort caféiné.

Un peu stupéfait par la tournure des choses, je me tourne vers mon collègue : « Le thé, ça n’est pas assez viril ? »

*

Épilogue. J’ai bien deux sachets de cinquante grammes de thé en vrac dans ma boîte à gâteaux – du Pai Mu Tan et du White Monkey, des thés blancs. De la très bonne.

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Instantanés

J’étais pressé ; une démarche décidée me conduisait au multiplex qui diffusait encore en version originale le dernier film de science-fiction à la mode couvert d’éloges.
[Au passage, là où Cotillon affaiblit la pellicule, Ellen Page lui redonne une vitalité bienvenue ; une femme splendide.]
Je traversai à cette allure la place Pey Berland lorsqu’une seconde – une seconde pleine et entière – avant que le cycliste ne renverse la gamine, je me tournai d’un déclic à l’endroit de ladite fillette. Comme si, précédant d’une seconde pleine et entière la rencontre accidentelle, j’avais procédé au tri et su parmi tous les futurs possibles, instinctivement ou tirée d’une prescience inconsciente, ce qui allait se dérouler une vingtaine de mètres sur ma droite.
Le type descendait tranquillement la rue Vital Carles en suivant le tracé du tramway, entamant le virage devant l’entrée de la cathédrale quand la gamine se détacha de sa mère, contourna un plot de protection et entreprit de traverser la voie. L’homme, devant ce soudain obstacle, ne put que lâcher un « Attention ! » ; l’enfant reçut de plein fouet le véhicule lancé à une certaine vitesse. Il y eut quelques instants d’insoluble silence avant qu’elle ne se mette légitimement à hurler.
Je ralentis mes pas et observai la scène, puis continuais mon chemin, remarquant tout à coup avec quelle précision j’avais pu braquer mon regard sur ce point précis, réflexion qui m’aida à supporter la terrible vingtaine de minutes de bandes-annonces et publicités pour un film dont la séance m’avait allégé de neuf euros quarante.

*

La Nuit Défendue, Pessac. La minuit est derrière nous, le bar devant. Il fait bon, S. nous paye de nouveau une tournée, j’ai la tête un peu ailleurs. Deux jeunes femmes me tournent le dos, tandis que je regarde nonchalamment par-dessus leurs épaules S. s’entretenir avec une tenancière. Dans la pénombre, elles se tournent de quart en face à face, l’une d’entre elles tend un verre plein à l’autre et lui offre un baiser. Puis se retournent de concert vers moi, me jetant un coup d’œil par-dessous. Je reste impassible.
J’admets ma surprise un instant, en pensée, mais que deux filles s’embrassent, ça m’est bien égal. Ce genre d’amour n’a pas d’âge ni de sexe, n’est-ce pas ? À quoi s’attendaient-elles ? À ce que je dégaine une bible en les vilipendant ? J’aurais, après coup, souhaité leur dire qu’en ma présence aucun couple homosexuel n’a à se réprimer comme j’ai l’impression qu’elles l’ont fait. Vivez votre amour comme bon vous semble. Cependant, si je leur avais dit ce que j’avais pensé rétrospectivement, je serais passé pour quoi, un ringard ? Le genre de sentence dont on se rend compte au milieu de sa récitation que l’on est un débile – il n’y a que les politiciens aguerris qui peuvent en débiter sans voir le rouge leur monter aux joues.
La meilleure réponse, celle qui l’aurait résumée – et qui la résume –, aurait été un haussement d’épaules.
« Allez vous faire voir ! Aimez-vous comme vous le souhaitez ! Vous n’avez pas besoin du regard d’autrui, seulement de l’Autre ! »

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Au réveil

11 novembre 2009 2 commentaires

Qu’en est-il de ces matinées, tandis qu’une pluie fine bat doucement les tuiles des toits, alors que dans nos draps, au réveil, nous avons développé une infinie acuité au bruit ; le doigt caressant le tissu renvoyant une image cotonneuse de neige ; le timide grincement des os au moment de se repositionner ; le son râpeux du revers de la main frottant les poils de barbe naissants ; me murmurant doucement mais clairement : « Non, tu n’es pas sourd. » ?

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En suspension

J’ai vu Bordeaux du ciel, ce soir-là, mais si j’avais réfléchi sur la manière dont j’ai entraperçu les toits de la ville au soleil couchant, je m’en serais certainement abstenu. M., le copain de H., tenait absolument à me faire monter avec lui dans une sorte de manège tournoyant, manège au nom menaçant mais que j’ai préféré effacer de ma mémoire, situé sur la place des Quinconces, lieu d’une fête foraine.
Les caractéristiques de l’engin pouvaient passablement m’aider à douter de l’aventure : la nacelle au bout de la longue tige montait jusqu’à soixante mètres ; la vitesse de balancement pouvait atteindre les 120 km/h ; il était question de se prendre une accélération de 4 G dans la tronche (c’est-à-dire quatre fois son poids à supporter). Mais même ça ne nous pas empêché de s’installer dans la nacelle. Je pense que si nous l’avions vu en action de près avant de grimper, j’aurais reconsidéré la chose. H. ne nous a pas accompagné.
J’ai compris que j’allais en baver non pas quand je regardais la plaque de tôle quelques instants auparavant sur laquelle nos pieds étaient posés descendre, non pas après le premier brusque balancement en avant ; non, ce fut au moment où nous étions en suspension à la suite du retour en arrière du premier balancement, alors que j’observais avec terreur le sol, parfaitement perpendiculaire, simplement retenu par une ceinture.
Cela se passait si vite… D’un autre côté, je souhaitais que le manège s’arrêtât immédiatement. J’ai senti mon estomac valdinguer à l’intérieur puis je l’ai perdu. Je hurlais comme jamais pendant que M. rigolait à mes côtés. Je crois que j’ai injurié quelqu’un en lâchant un « Sa mère la pute ! », me rapporta M., parce qu’un guignol a apparemment pris le temps de répondre qu’on « n’insultait pas sa mère. » M’en fous.
La machine avait calculé plusieurs stabilisations de la nacelle à ces fameux soixante mètres de hauteur ; c’est là que j’ai admiré l’étendue de Bordeaux (du moins sa rive gauche) et que j’ai saisi que nous pouvions saluer les pigeons perchés sur la statue du Monument aux Girondins. D’aucuns savoureraient ; pas moi. J’en ai eu des étoiles dans les yeux alors que nous retournions violemment en arrière. Car c’est la pire pensée qui me fut passée ans les derniers neurones encore soutenus par la lucidité : les deux secondes immobiles là-haut ne laissaient aucun répit, car derrière il fallait redescendre.
J’étais blanc comme de la lessive en poudre et peu stable sur mes guiboles, mais je l’avais fait. Une seule fois. Jamais plus. Tout comme la descente en rappel du rocher de l’Impératrice. Une seule fois. Jamais plus.

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Écrits erratiques

« Prises de note » en colloque, aujourd’hui.

Le clochard céleste s’excite, évoque le Pont d’Arcole. Il ne s’arrête jamais. Jamais.

On rigole sur la comparaison de la qualité du saucisson de Madrid avec celle du sauciflard de Saragosse.

La souffrance du manque d’illustrations de Goya fut quasi insurmontable.

La notion de famille chez le peintre, avec le petit-fils Mariano, est déterminante dans la vie de l’artiste.

Elle s’égosille en blablas cynégétiques royaux, en parallèle de la physionomie époustouflante de la reine et l’ingratitude génétique et physique de Charles le Troisième.

Fascination de l’exécuté en pleine lumière, alors que la biographie demande un débat qui s’annonce inepte.

Les cadavres héroïques de l’horreur, ou les cadavres horribles de l’héroïsme ?

L’Axe du Mal des axes de réflexion : famille, amis, opportunisme.

Fluidité de la correspondance par l’intermédiaire de la lumière indirecte.

L’ecclésiastique éclairé par la lumière de Dieu… suivi de pointillés intellectuels.

Fils d’un maître doreur pour un colloque horrible.

Nous l’aimons, ce bonhomme de Goya. Sacré Bordelais !

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L’avis bordelais

9 septembre 2009 2 commentaires

Le bruit s’est tout de suite imposé à mes oreilles, donc à moi. Le bruit m’a tellement assailli, cette déferlante de sons m’a si subitement enveloppé que conjuguée à la température locale, j’ai difficilement trouvé le sommeil, lors des premiers jours. De ma semi-campagne quimpéroise où la seule source de vacarme suffisamment puissant pour traverser le récent double vitrage des fenêtres était l’épanchement primitif de gamins dévergondés, je me vois soudain projeté au cœur d’une des grandes villes françaises, qui bouillonne d’une vie toute mécanisée ainsi que de fêtards lourdement éméchés. Ce constat me fut jeté en pleins conduits auditifs alors que j’écoutais distraitement le jeu d’un guitariste qui braillait du créole, sur la place pavée au pied de mon immeuble.

Notez que je bénéficie d’une acoustique remarquable : la Garonne sur laquelle rebondissent allègrement les ondes sonores ; les constructions alignées en arc, offrant les mêmes capacités qu’un amphithéâtre.

Le hameau bordelais est agréable, les façades sont néanmoins noires. On se demande par quel miracle on l’a inscrite au patrimoine de l’UNESCO. Certes, la promenade sur les quais et dans le centre-ville sont à faire, mais l’habitant n’éprouve qu’un faible respect pour ses congénères. Je ne me plains pas : d’une part le loyer est peu élevé, d’autre part j’apprécie chaque jour davantage cette ville, malgré le fait que certaines gens ne peuvent se retenir d’uriner sur les murs, délivrant une forte odeur acide ; que les innombrables crottes de chiens mousseuses/coriaces jonchent/incrustent les pavés, ce qui induit un manque d’éducation de leurs maîtres et leur irresponsabilité ; que les mendiants ne savent distinguer les BB (Bourgeoises Bordelaises, monnaie courante) des EPF (Étudiants Peu Friqués, monnaie courante), notamment sur la piégeuse rue Sainte-Catherine (tout un programme). Pour ces derniers, je suis désolé de leur situation, mais je n’y peux vraiment pas grand-chose.

Je suis heureux de ce que j’étudie aujourd’hui, le déplacement vaut le détour. Je me sens redevenir moi-même quand je suis animé de cette manière, c’est-à-dire stimulé intellectuellement. Je reprends le rythme, après deux années d’arrêt, travailler autant est une bénédiction car mes idées s’éclaircissent, mais dans le même temps une malédiction car j’ai toujours autant de mal à m’organiser. Je me soigne.

Une autre chose que m’a judicieusement soufflé une collègue de classe, que je pense pouvoir qualifier d’amie, c’est la pollution qui charge l’air. Il n’y a pas ce salvateur vent d’ouest pour chasser sur l’Île-de-France les miasmes catalytiques du pays Glazik, c’est pourquoi les vêtements se retrouvent vite enduits d’une sorte de poussière sournoise qui s’enracine dans les fibres et qui émet, si l’on ne s’y prend pas assez rapidement, une flagrance métallique fort déplaisante. Là non plus, je n’y peux pas grand-chose, c’est le lot des villes d’importance.
Les surprises, bonnes et mauvaises, se dénichent à chaque changement de rue. J’ai situé un local qui dispose de quantité de plateaux d’échec prêts à être utilisés, et la tentation d’y entrer s’intensifie à chacun de mes passages devant.

Cependant, il se trouve pire que la chaleur, pire que le bruit pour anéantir mes nuits, et pourtant ces deux nuisances sont plus ou moins liées avec celle que je vais vous présenter : le moustique. J’en ai parlé dans un billet qui date, pourtant douloureusement d’actualité. Je les maudis. Je suis sur place depuis le 11 août dernier, je n’ai comptabilisé que quatre plages de sommeil ininterrompues par ces bâtards d’enculés. Ma grossièreté inhabituelle est à la hauteur de l’extraordinaire capacité d’emmerdement qui est la leur. Montaigne disait qu’il aimait que son serviteur le réveille la nuit pour qu’il puisse apprécier les heures qu’il lui restait à dormir ; un moustique ne sert à rien, il hante. Elle hante serait plus proche de la vérité, d’ailleurs.

Amusant le fait que mes prédécesseurs dans ma chambre eurent eux aussi le même combat impitoyable à mener. Çà et là je repère quelques traces sanglantes sur les murs et le plafond.

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Un voyage vers Bordeaux

24 août 2009 2 commentaires

Le mercredi 3 juin [voyez comme ce texte date], à 11 h 12, mon train s’ébranle. L’ordre de départ venait de l’heure inscrite sur mon ticket même, aucune raison dans ce cas qu’il ne partît point. Un wagon d’un CIC avec des sièges de première classe, mais au final malgré tout un wagon de deuxième classe. L’air conditionné m’aida à supporter la vieille vêtue d’un pantalon collant noir à pois blancs ; la déchéance vestimentaire a atteint les vieux, c’est dire l’époque désastreuse que l’on vit. La malsaine tentation qui m’assaillait afin de regarder en entièreté la tenue de ma voisine n’a pas vaincu ma curiosité. Au plus saurais-je le titre du pavé mièvre qu’elle parcourait : Et tu périras par le feu. À flamber d’horreur.
Nantes : on approche des 14 heures. Je dois changer de train pour rallier la capitale de la piquette. Je n’imaginais pas passer de ce qui allait apparaître un moyen de locomotion idéal à un véritable char à bœufs. Déjà, le jeune blanc-bec m’a pris ma place. Il ne sait pas lire Fenêtre ? Au bout du compte, bien m’en a pris, il restera sous les affres solaires tout au long du trajet, exposition que mon épiderme n’aurait absolument pas supporté. Lui porte un ensemble jogging noir estampillé Adadas [dédicace au Petit Spirou], arbore un visage buriné, des cheveux ras sauf le sommet du crâne amoureusement badigeonné de gel, et un pendentif en forme de main de Fatima. Oh putaingue…
Il ne s’est dévêtu de son survêtement qu’au bout de deux heures. Comment a-t-il pu tenir ? Il a vécu à Djibouti ou quoi ?
Que je parle de Djibouti n’est pas anodin. Le gredin, lorsque le contrôleur vint à débouler dans l’allée, sortit un papier rose militaire pour confirmer le prix affreusement rabaissé de son billet. De mieux en mieux. Soudain, le téléphone sonne, je suis obligé d’écouter son accent urbain (doux euphémisme) et certains propos relatifs à un cassage de gueule parce qu’un quidam l’avait « saoulé », ainsi que de tribunal subséquemment avec le fait brutal évoqué précédemment. Que demander de plus ? Qu’il joue à la PSP ? Le kitsch du jeu vidéo de luxe.
En face de moi… Oui, j’ai oublié d’ajouter le fait que j’étais au tournant du wagon, c’est-à-dire à l’endroit où les sièges d’orientation différente se font face. Une première en ce qui me concerne. Donc, en face de moi, une mémé. Nos pieds avaient à vivre en cohabitation, ce qui donnait lieu à d’étranges ballets.
J’ai tellement transpiré du dos qu’il ne s’en est fallu de peu que je fusionne avec le siège.

Il est 18 heures passées, me voilà à Bordeaux.
Première étape : boire. Je suis un chameau, mais les chameaux aussi doivent boire.
Seconde étape : trouver l’auberge de jeunesse. J’avais dessiné un plan, cependant j’ai une bonne mémoire et j’y vais de tête.
À l’accueil, une affiche « Complet » n’augure rien de bon, ce que me confirme la tenancière. Un jeune homme qui a un problème de serrure m’apprend que tous les établissements hôteliers n’ont plus de chambre libre car… le Président de la République vient en ville demain, et ses groupies l’ont suivi.

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